Les Sénateurs et Députés réunis en assemblée nationale ont pris lundi soir une grave décision politique en faisant sauter l’un des principaux verrous de la constitution à travers l’effacement de l’article 134.3 qui autorise désormais le Président d’Haïti à briguer deux mandats consécutivement.
Par 73 voix pour, quatre contre et sept abstentions, les parlementaires ont, à l’approche de la fin de la première session ordinaire de la 49e législature, approuvé le remplacement de l’article 134.3 par le 134.1 qui n’était nullement prévu dans la déclaration d’amendement de la loi-mère introduite le 14 septembre 2009.
"La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Il est immédiatement rééligible, mais ne peut en aucun cas briguer un troisième mandat", stipule le nouvel article qui risque d’être lourd de conséquences et d’exposer Haïti à de potentielles dérives du pouvoir contre lesquelles les constituants de 1987 avaient voulu la protéger à la chute de la dictature sanglante des Duvalier.
Le Président élu, Michel Martelly dit "Sweet Micky", dont le mandat prendra fin le 7 février 2016, pourra donc se représenter au terme de ses cinq années de son administration.
Dans ce qui s’apparente à un véritable "deal" entre secteurs politiques théoriquement opposés, son prédécesseur René Préval devrait promulguer la constitution amendée avant de partir dans moins d’une semaine, samedi prochain (14 mai).
Présidée par l’ex-prêtre engagé François Anick Joseph, premier Sénateur de l’Artibonite sous la bannière d’Alternative, la commission bicamérale de quinze membres chargée de travailler sur les propositions d’amendement de la constitution s’est montrée particulièrement généreuse avec les élus.
Charité bien ordonnée commençant par soi-même, dans leur volonté proclamée de modifier la séquence des élections et d’harmoniser les mandats, les parlementaires ont accordé un mandat de cinq ans aux Députés (élus jusqu’ici pour quatre ans) et prorogé de deux ans celui des Sénateurs devant arriver à terme dans quelques mois.
De fait, désignés initialement pour une période de six ans, ils passeront deux ans supplémentaires au Parlement et y resteront jusqu’en octobre 2013.
Dans cette catégorie, on retrouve notamment les Sénateurs Youri Latortue (AAA/Artibonite, nord), Evallière Beauplan (PONT/nord-ouest), Joseph Lambert (INITE/sud-est) et Kély Bastien (INITE/nord), tous deux ex-présidents de l’assemblée, ainsi que Edmonde Supplice Beauzile (Alternative/Centre) et Nenel Cassy (PLB/Nippes, sud-ouest). Ces deux derniers, avec leurs collègues Andrys Riché (Alternative/Grand’Anse, sud-ouest) et Maxime Roumer (KOREGA/Grand’Anse), avaient décidé de boycotter la séance en vue d’exprimer leurs désaccords politiques avec un processus de réforme constitutionnelle jugé vicié à la base.
Par ailleurs, il est prévu dans la nouvelle version de la constitution que les maires, qui arriveront bientôt en fin de mandat, seront nommés par l’Exécutif via le ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales.
La 49e législature a enfin abrogé un article de la déclaration d’amendement pour confirmer le maintien tel quel dans la charte fondamentale des Forces Armées d’Haïti (FAd’H) dissoutes en 1995 peu après le retour d’exil du Président d’alors, Jean-Bertrand Aristide, ramené au pouvoir grâce une intervention militaire américaine.