La peur d’être de quelque part, la considération de son pays ou de sa communauté d’origine comme trop petite pour parler au monde et du monde. Certains préfèrent d’origine haïtienne à haïtien.
Le refus de toute thématique qui traiterait de conditions collectives : je ne parle que de moi et pour moi ; je ne connais que moi, je suis ma propre cause et mon propre idéal…
La caricature du réel : Pour faire beau aux yeux du centre occidental il faut parfois alimenter les clichés qui caricaturent le pays d’où l’on vient, faire l’économie des nuances, nier tout aspect positif, toute possibilité de construire, réduire un réel fait de contradictions à une image ou une caractéristique dont le côté choquant attise le voyeurisme. Cuba peut n’être que l’enfer castriste, Haïti la pauvreté et la sorcellerie, l’Iran, la violence sur les femmes…
La prostitution du talent : l’utilisation de réseaux pour s’établir une renommée ou une influence non proportionnelles à l’œuvre produite, en se cachant sous vestes et jupes, en caressant quelques papes, papesses et sous-fifres des institutions culturelles dans le sens du poil. Il arrive que des artistes de valeur soient longtemps ignorés alors que d’autres passent pour représentants de communautés qu’ils ignorent ou dénigrent. Quand on pense au temps que l’immense œuvre d’un Franckétienne ou d’un Georges Castera ont mis à s’établir comme vérités incontournables de la littérature haïtienne.
Ce post-modernisme individualiste à la sauce semi-tropicale se porte moins bien aujourd’hui qu’il y a dix ans. Tant mieux. Aux vendredis littéraires que j’anime avec la complicité de mon ami Toussaint, je constate une sorte de retour à l’arbre, une critique sans reniement et une recherche esthétique en appui aux questions qu’on se pose sur le pays, la vie, le monde, soi-même. Et puis les succès du mensonge sont de courte durée. Chateaubriand n’avait pas tort lorsqu’il écrivait que “la critique ne peut pas tuer ce qui doit vivre ni faire vivre ce qui doit mourir”.