Le cinéaste confie en revanche son « indignation » vis-à-vis de l’accueil offert à Jean Claude Duvalier à son arrivée dimanche soir à l’aéroport Toussaint Louverture. Baby Doc a bénéficié d’une escorte policière digne des hauts dignitaires sans compter les vivats d’une foule postée aux alentours.
« C’est un camouflet » à l’égard de toutes les victimes du régime Duvaliériste, martèle Antonin citant entre autres le grand écrivain Jacques Stephen Alexis, assassiné en 1961 et le militant Alix Lamothe, exécuté en 1968.
Robert Duval est l’une de ces victimes, mais lui, encore en vie, avoue être incapable de « digérer » la nouvelle. Enfermé durant des mois à Fort Dimanche, il dit accueillir ce retour avec un sentiment d’ « énervement ».
« L’horreur c’est que j’étais en prison sous Jean Claude Duvalier…En 76, ils sont venus, ils sont entrés dans mon entreprise, dans mon bureau et m’ont emmené aux Casernes Dessalines. De là j’ai passé 17 mois, puis, sous des accusations fallacieuses, ils m’ont condamné et envoyé au Fort Dimanche », se rappelle t-il.
Duval passera 18 mois dans ce que les prisonniers de l’époque appelaient « l’enfer des hommes ». Selon lui il n’y avait pas de condamnation formelle, seuls les tortionnaires décidaient.
« Et ils vous envoyaient végéter à Fort Dimanche pour disparaitre. Parce que quand on vous envoie à Fort Dimanche c’est comme si on vous condamne à mort…et chaque jour deux ou trois personnes mouraient », rapporte t-il.
50.000 personnes ont été ainsi assassinées, selon lui, entre 71 et 86, période du règne de Jean Claude Duvalier.
Pour le fondateur de l’organisme de sport Athlétique d’Haïti, le régime des Duvalier était synonyme de répression politique mais aussi économique.
« C’est lui qui a établi des accords avec les institutions internationales qui ont permis d’ouvrir le pays…à la destruction économique », et« quand il est parti en 86 c’était un soulagement pour tout le monde, parce qu’on n’en pouvait plus ni politiquement ni économiquement », souligne t-il.
L’ultime coup de poker de Préval ?
Le retour de Jean Claude Duvalier soulève par ailleurs beaucoup de questions et les premières réponses recueillies par les medias pointent toutes pour l’instant en direction du gouvernement haïtien et des pays dits « amis » comme la France.
« Nous sommes dans une situation déjà très chaotique et cela a mis de l’huile sur le feu. Il y a une main qui manipule tout ceci, ce n’est pas un hasard », croit Gerald Mathurin, ancien ministre de l’agriculture durant le premier mandat de Préval (1996-2001).
Pour Mathurin, qui dirige la Coordination des Organisations du Sud Est (CROSE), le gouvernement et la communauté internationale « sont parties prenantes » dans l’affaire, avec un éventuel « plan [de] brouiller davantage les cartes par rapport aux résultats des élections » contestées du 28 novembre dernier.
Chavannes Jean Baptiste, leader du Mouvement des Paysans de Papaye (MPP), va dans le même sens et souligne l’opacité de ce retour surprise.
« C’est une façon de détourner l’attention du peuple de Préval et de son gouvernement, de son CEP et des élections…pour nous la priorité ce n’est pas le retour de Jean Claude Duvalier, mais la résolution des problèmes politiques du pays », martèle Chavannes Jean Baptiste.
Arnold Antonin qualifie pour sa part ce retour de « diversion ». « Cela montre qu’Haïti marche à reculons », qu’« il n’y a pas eu de transition démocratique mais une continuité dans le Duvaliérisme sous d’autres formes », soutient-il, critiquant les politiciens haïtiens.
« Depuis son départ en 86, nous pensions que le pays allait aller de l’avant mais nous sommes entrés dans une crise sans fin, ce qui fait qu’historiquement nous avons fait marche arrière », souligne Robert Duval.
Ce retour signifie « au niveau symbolique [que] nous sommes une nation qui ne peut pas trouver sa voie. Les contradictions sociales sont tellement aigues…c’est la faiblesse des organisations progressistes qui a permis un retour aussi grave », regrette Duval