Mise à jour le 26 septembre
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Haïti-2010 : A l’aube d’une année politique cruciale

L’année 2010 qui s’ouvre revêt une importance cruciale pour Haiti du point de vue politique, alors que le pays vient de connaitre (ou se trouve encore dans) une période caractérisée par des difficultés institutionnelles de taille. 2010 se révèle une année électorale et de réforme constitutionnelle. Le peuple aura à se rendre aux urnes en plusieurs occasions, notamment pour le renouvellement du parlement (en février) et élire un nouveau chef de l’état à la fin de l’année. Ici, ne sont pas mentionnées les joutes municipales et locales, qui devraient également se tenir avant la fin de 2010.

par Gotson Pierre (AlterPress)

Les enjeux sont très importants, tels que le montre la bataille politique qui s’est initiée depuis quelques mois en Haïti. Les acteurs-trices politiques retiennent que le secteur qui remportera les législatives, pourra entériner ou rejeter le projet d’amendement constitutionnel introduit au parlement en 2009 par l’exécutif et déterminer ainsi le profil institutionnel futur du pays.

De même, ce secteur sera en bonne position pour les prochaines présidentielles où la lutte risque d’être acharnée entre les partisans de la « continuité » et ceux d’une certaine « rupture », alors qu’aucun projet politique alternatif unitaire fondé sur les véritables intérêts populaires (exprimés à travers des revendications vielles de 24 ans déjà) ne semble poindre à l’horizon.

La perspective de mise en place d’un tel projet parait d’autant plus difficile, que la réalité haïtienne de ces deux dernières décennies montre à quel point les processus électoraux bouleversent généralement les expériences organisationnelles dans divers milieux.
La situation actuelle de grande fragilité des institutions haïtiennes est susceptible de compliquer les étapes à venir. Il suffit de voir comment en 2009 les problèmes institutionnels ont affecté la situation politique, faisant passer parfois en second plan des efforts pour relancer l’économie dans un contexte social périodiquement volatil.

Dans le rétroviseur
Dès le début de l’année 2009, des élections sénatoriales différées sont convoquées pour le 19 avril afin de renouveler le tiers de la chambre haute (10 parlementaires) et remplir 2 autres sièges vacants au niveau des départements du Nord-est et de l’Artibonite (Nord). Un second tour est prévu pour le 7 juin.

33 partis politiques se font enregistrer au Conseil Électoral Provisoire (CEP) pour prendre part à ces élections, dont la Plate-forme Espoir (au pouvoir), deux branches de Famille Lavalas de l’ex président Jean Bertrand Aristide, la Fusion des Sociaux-démocrates et l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL).

Mais le CEP rejette l’ensemble des candidats de Famille Lavalas, malgré les préoccupations exprimées par la communauté internationale, particulièrement les Etats-Unis. La même décision est prise a propos de plusieurs autres inscrits qui ont suscité des remous, comme l’ancien l’ancien haut gradé de la police et dirigeant du mouvement rebelle qui a pris les armes contre Aristide en 2004, Guy Philippe.

Le premier tour du 19 avril est marqué par une faible participation (11%) dans l’ensemble des régions de Haïti et le CEP se voit contraint de suspendre les opérations dans le Plateau Central (Est) à cause des actes de violence qui affectent la journée électorale. Des observateurs rapportent de nombreuses irrégularités dans plusieurs autres endroits. Le parti officiel Espoir sort vainqueur de ces compétitions, dont le second tour est effectué le 21 juin dans 9 départements (sauf le Plateau Central). Il gagne six des onze sièges à pourvoir, passant ainsi à 13 sénateurs sur 29, avec des possibilités d’alliance pouvant lui assurer une majorité.

Entretemps, des désaccords entre les membres du CEP favorisent des changements opérés par le président René Préval au sein de l’institution électorale, malgré des critiques et la non participation de quelques secteurs politiques.

Un CEP remanié, comptant 4 nouveaux membres sur 9, est officiellement annoncé le 19 octobre. Il doit organiser des élections législatives en février et mars 2010 pour renouveler un tiers du sénat et la totalité de la chambre des députés.

Au sénat, les nouveaux élus sont validés en septembre et dès ce moment, dominant le parlement, le secteur au pouvoir lance sa machine. Les deux chambres reçoivent le projet présidentiel d’introduire des changements dans la constitution.

En octobre, le sénat interpelle la première ministre Michèle Pierre-Louis qui ne se présente pas. Elle est destituée et remplacée par son ministre de la planification, Jean Max Bellerive.

Le processus, qui fait intervenir la présidence et le parlement, dure 12 jours. Un record. Le vide gouvernemental laissé par la destitution du premier ministre Jacques Edouard Alexis en 2008 s’était étendu sur près de 6 mois.

La communauté internationale, un instant inquiète, exprime sa satisfaction de voir Haïti échapper à de nouvelles tourmentes politiques. Suivant les réactions diffusées, elle avait peur que le spectre de « l’instabilité » vienne bousiller des efforts entrepris pour changer quelque peu l’image internationale d’Haïti, stimuler la création d’emplois en attirant des investissements étrangers.
C’est en ce sens que l’ex président américain, William Clinton est nommé en avril envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, selon ce qu’on affirme du moins dans les milieux officiels. Des secteurs considèrent alors Clinton comme un « avocat international » pour le pays, tandis que d’autres appréhendent un éventuel renforcement du projet néolibéral avec, à long terme, des conséquences socio-économiques énormes.
En tant qu’envoyé spécial de l’ONU, Clinton effectue 2 visites en Haïti, à coté de celles d’autres importantes personnalités internationales, comme la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean (d’origine haïtienne), le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki Moon, la secrétaire d’État américaine Hillary Rodham Clinton et le commissaire européen au développement, Louis Michel.

Lors de sa deuxième visite, en septembre, Clinton s’accompagne d’une centaine de personnalités liées aux secteurs commerciaux et industriels internationaux, en quête d’opportunités d’investissements et de facilités d’exportation aux États-Unis, dans le cadre des conditions spéciales accordées à Haiti à travers la loi américaine appelée HOPE II. Anticipant l’accroissement des investissements étrangers, le président Préval invalide la loi votée en juin par le Parlement pour augmenter le salaire minimum journalier de moins de 2 USD à 5 USD.

Durant plusieurs semaines, les étudiants et les secteurs sociaux protestent lors de manifestations émaillées d’actes de violence. Pour la première fois depuis de nombreuses années des milliers d’ouvriers de la sous-traitance descendent dans les rues. Un débat public se développe sur le sujet qui occupe la première place dans l’actualité.
Mais, en aout, le Parlement vote en faveur des objections de Préval en ratifiant une augmentation du salaire minimum à 3 dollars.

Que faire et comment faire ?
Alors que les secteurs sociaux gardent un gout amer de certaines expériences de luttes conduites en 2009, les politiques et les citoyens-ennes en général nourrissent un certain scepticisme sur ce qui pourrait se produire en Haïti au cours des mois à venir.

La création d’un nouveau parti (Unité) par le président Préval, qui ne peut plus se présenter aux élections (suivant l’actuelle constitution) suscite des interrogations, de même que les nouvelles alliances qui se nouent au plus haut sommet du pouvoir. Une lecture du troisième mariage de Préval (en décembre) pourrait amener à des considérations sur la position de l’oligarchie dans les rapports de force qui se dessinent.

La société haïtienne, sera-t-elle en mesure de consolider en 2010 sa quête de démocratie maintes fois torpillée au cours des 25 dernières années ?

Les dirigeants et responsables de partis politiques, sauront-ils évaluer et prendre à bras le corps les défis qui s’annoncent d’un coté comme de l’autre du pouvoir ? Les édifices de pouvoir continueront-ils à s’échafauder sur le simple besoin d’être en bonne position pour continuer à administrer le système néolibéral dans sa version tropicale sous supervision militaire internationale ? Comment les secteurs démocratiques pourront-ils véritablement saisir l’opportunité d’initier la construction de forces politiques unitaires capables de porter la cause populaire ?

Voilà des questions qui méritent un vrai débat, à l’heure où, des intérêts tant nationaux qu’internationaux prennent leurs marques, en perspective des échéances prochaines.




BÔ KAY NOU


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