La réussite, ou l’échec, d’un leader est directement proportionnelle à son courage, à sa ténacité et à sa détermination. Il doit être un rebelle dans l’âme pour mieux se positionner face aux forces rétrogrades.
La nation haïtienne, à cause des interminables crises politiques, s’est écroulée et avec elle tout un monde de valeurs. Cette situation a développé chez les haïtiens le réflexe de se tourner vers quiconque se pose en leader lui promettant de réconcilier la nation avec elle-même, de recoller les morceaux et d’ouvrir un chemin d’espérance et de victoires. Ce désir, dicté par une sincérité patriotique, trouve écho dans tous les forums politiques, tant en Haïti qu’en diaspora. Les intervenants n’ont jamais cessé d’élaborer sur l’absence de leadership ou la présence de faux leaders en Haïti. Ils posent le problème dans toute son acuité et insistent également sur l’urgence qu’un leader émerge, qu’il prenne le commandement de la barque nationale pour l’amener à bon port, qu’il fasse revivre la nation et surtout qu’il amène tous les citoyens à communier ensemble, à converger vers le même objectif en dépit de leurs visions politiques différentes.
Le problème est qu’en Haïti, depuis bien des années, on ne cherche plus un leader mais un messie. La différence, certes, est mince mais fondamentale et radicale pour le devenir de toute collectivité.
Un messie, bien souvent, a sa vision, son projet, sa mission bref son agenda. Il se croit le seul à pouvoir changer les choses. Il s’en remet à sa puissance personnelle et conçoit l’avenir à sa manière. Il donne aux uns et aux autres l’illusion qu’il travaille pour leurs biens. Mais en réalité, il ne fait que préserver ses intérêts et maintenir le statu quo. Cette capacité de croire ou de faire confiance à un messie est la conséquence directe de notre légendaire « BON DIÉ BON » habilement exploité par des politiciens mal intentionnés.
Si le messie est happé par une idéologie dont il ne peut se défaire, le leader, à l’opposé, incarne l’idéologie et il en est responsable devant ses compatriotes. Rassembleur, meneur, son charisme lui vient de sa force morale, de ses prouesses comme guide du peuple, comme penseur, comme stratège et surtout de sa capacité d’évoluer avec le temps et les circonstances c’est-à-dire d’adapter son message au gré des besoins ; son efficacité lui vient de son ascendant sur les foules, de sa facilité à leur insuffler la confiance en leur capacité de poursuivre un but commun. Il est toujours présent aux heures critiques pour coordonner les actions de son peuple afin d’éviter tout dérapage. Il doit être l’artisan de la rectification, celui qui a un contact franc, exceptionnel, respectueux, altruiste et familier, celui qui établit une relation de proximité, d’intimité avec son entourage. Il forme des groupes de militants qu’il charge d’agir en son nom. Il les encadre, les dirige, les accompagne, les instruit et les envoie en mission. Il les influence dans l’atteinte de buts collectifs. Il est celui qui, bien mieux qu’un messie, sera le rassembleur de la patrie morcelée d’autant que sa pensée politique, par défaut, fait écho à la pensée politique de la majorité silencieuse.
On a également parlé de l’implication de la jeunesse pour bâtir ce nouveau leadership. Quelle noble idée ! Mais comment impliquer cette jeunesse ? Comment doter le pays d’une nouvelle génération de politiciennes et de politiciens ? Comment encourager l’émergence de ce nouveau leadership si l’idéologie politique haïtienne n’est pas mise à jour ?
Mettons les choses en perspective. La jeunesse haïtienne est divisée en deux grandes catégories. Il y a ceux qui sont formés à l’étranger et qui sont généralement qualifiés et rompus aux techniques du métier et ceux, restés au pays qui sont coincés entre un présent sur fond permanent de crises politiques et sociales, une formation universitaire souvent interrompue et un futur incertain. De plus, cette jeunesse hérite d’un pays sans structures précises et pratiques quant à l’organisation de la pensée politique. Et la situation ne va pas en s’améliorant puisque que l’appareil étatique, tout comme les partis ou mouvements politiques, ne semble pas vouloir se moderniser. Les instances dirigeantes, décisionnelles ne sont pas renouvelées. La politique en tant que science ne se pratique pas chez nous. C’est la principale tâche à laquelle il faut s’atteler si on veut vraiment inclure la jeunesse haïtienne dans un réel projet de développement, unifier les éléments morcelés de la société haïtienne par les circonstances et les événements des dernières années et mettre en perspective des liens entre les haïtiens restés au pays et ceux de la diaspora
Je tiens à encourager tous ceux et celles qui se sentent concernés par l’avenir social, politique et économique d’Haïti. Comme vous, j’ai pris le temps de regarder la situation. Je vous encourage à la faire mais faites-le sans parti pris, ni égoïsme, ni rancune. Rappelez-vous que « la nécessité de renouveler la classe politique haïtienne est intimement liée à l’obligation de porter un regard neuf sur la société haïtienne, laquelle société a été martyrisée au cours des cinquante dernières années par une certaine tradition politique, un certain snobisme intellectuel et un certain égoïsme économique ».