Mise à jour le 26 septembre
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Ann fè on rasanbleman

En publiant ma chronique intitulée “Une vieille gauche avilie” dans les colonnes du quotidien Le Matin, je n’imaginais pas qu’elle provoquerait autant de réactions. Réponses, opinions, articles, émissions de radio. Au-delà de ce que les uns et les autres pensent de mes écrits, je suis heureux d’avoir pu contribuer au débat sur la seule question qui me semble d’une véritable importance. Comment transformer la société haïtienne dans le sens des intérêts de la majorité de la population ? Comment combattre l’injustice sociale, l’indécent partage inégal des richesses, le mépris du populaire qui caractérisent la formation sociale haïtienne ?

Par Lyonel Trouillot

En publiant ma chronique intitulée “Une vieille gauche avilie” dans les colonnes du quotidien Le Matin, je n’imaginais pas qu’elle provoquerait autant de réactions. Réponses, opinions, articles, émissions de radio. Au-delà de ce que les uns et les autres pensent de mes écrits, je suis heureux d’avoir pu contribuer au débat sur la seule question qui me semble d’une véritable importance. Comment transformer la société haïtienne dans le sens des intérêts de la majorité de la population ? Comment combattre l’injustice sociale, l’indécent partage inégal des richesses, le mépris du populaire qui caractérisent la formation sociale haïtienne ?

Dans les années qui ont suivi la chute de Jean-Claude Duvalier, on a assisté à deux choses : une volonté de continuation de la part de certains pouvoirs (rien n’étant fait du lieu de l’Etat pour réorganiser les rapports sociaux dans le sens des intérêts de la majorité de la population) ; une volonté d’instrumentaliser le mécontentement populaire au profit des intérêts individuels des personnes au pouvoir ou aspirant au pouvoir. Soit la répression dans laquelle les militaires excellaient. Soit la mascarade populiste qui elle aussi a eu recours à des formes de répression et qui a utilisé le banditisme comme une arme politique.

Les conditions de production de la richesse comme de la pauvreté n’ont pas changé ; la hiérarchie sociale n’a pas changé ; la dépendance vis-à-vis de la « communauté internationale » s’est renforcée. Au début des années 2000, il y avait un semblant de prise de conscience de la nécessité d’au moins une réforme radicale du fonctionnement de l’Etat et d’une nouvelle orientation de l’organisation sociale. Aujourd’hui, cela semble oublié. L’on est de plus en plus ouvertement réactionnaire. On en veut aux pauvres de vouloir plus. On réclame le droit d’être riche en regardant crever les autres. On réclame le droit de bénéficier des richesses du pays tout en tournant le dos aux autres haïtiens.

Qu’importe que la scolarité universelle n’existe pas, j’envoie mes enfants à l’école. Qu’importe que le système scolaire haïtien soit en difficulté, j’envoie mes enfants dans une école étrangère… Les individus affichent ouvertement leurs préjugés, les riches se battent férocement pour le maintien de leurs privilèges. Du lieu de l’Etat, Aristide avait adopté une posture populiste qui l’obligeait à dénoncer l’injustice sociale. L’actuel gouvernement n’est même pas populiste. Il est incapable de fixer une des priorités, d’affirmer une idéologie politique qui guiderait son action. La « classe politique » - pour employer une expression que je n’aime pas – ne propose rien qui montre une volonté de rompre avec l’inacceptable exploitation – exclusion – de la majorité qui est une des marques de la formation sociale haïtienne.

C’est ce nouveau discours qu’il est aujourd’hui important de produire. C’est à cette tâche qu’on doit s’atteler. Qui va faire quoi pour que cette société produise moins d’injustice sociale et progresse en offrant à chacun de ses membres de se considérer comme citoyen haïtien ? Je vois mal comment cela peut se faire sans déplaire à quelques uns dont les intérêts s’opposent à ceux de la majorité, sans déplaire aussi à la « communauté internationale » ou tout au moins à quelques uns de ses représentants et membres qui aiment bien dicter les ordres et auxquels, hélas, nos dirigeants ont pris l’habitude d’obéir.

C’est ce courage de déplaire qu’il faut aujourd’hui. Les rapports entre les classes sociales, les rapports entre l’Etat et la nation sont tels qu’on ne produira pas de bien pour la majorité de la population en les perpétuant. L’urgence est de penser les formes concrètes de la rupture.




BÔ KAY NOU


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