Mise à jour le Février 2022
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Il fallait en plus qu’Obama soit beau !

Le President noir devait être parfait. Il l’a été au point de conquérir une ferveur universelle. Qui ne dit pourtant rien sur le futur président. Une fonction où les sales types réussissent souvent mieux.

Texte proposé par NICOLAS MARTIN via le Coin des Lecteurs .

Il faut imaginer Barack Obama vieux, chauve, jaune. Ou complètement noir. Ou tout blanc. Il faut imaginer Barack Obama moche, inculte, habillé comme un plouc texan. Toutes ces imperfections, dont il semble miraculeusement préservé, montrent que Barack Obama, sous peine d’échec immédiat, ne pouvait être différent de ce qu’il est.

Il fallait d’abord qu’Obama soit métis. Parce que désormais, tout le monde l’est ou le sera bientôt. Ou voudra l’être. Parce que la pureté ethnique a suffisamment démontré, de l’Allemagne nazie au conflit yougoslave, sa proximité avec le meurtre rituel. Parce qu’être tout simplement blanc, c’est porter sur son visage un passé supposé de domination brute, de colonisation, de ségrégations multiples. Parce qu’être complètement noir, c’est porter sur son visage les stigmates supposés de la violence, de l’assistanat, d’une infériorité prétendument tombée du ciel.

Ainsi, le plus dur pour Obama aura finalement été de conquérir cette adhésion aujourd’hui écrasante de la communauté noire : 95% des votants. Le révérend Jesse Jackson, plusieurs fois candidat noir sacrifié à la Maison Blanche, n’a par exemple jamais été convaincu par Obama, qu’il trouve très condescendant dans sa façon de s’adresser à ses frères plus noirs.

À l’inverse, pour les Blancs — tout de même 73% de la population des Etats-Unis —, il était évidemment capital qu’Obama ne soit pas trop noir. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter cette interlocutrice obligée des envoyés spéciaux européens aux Etats-Unis lors de chaque événement électoral : la petite barmaid blanche et dure à la tâche. Celle qui s’exprime dans Le Temps, par exemple, ne cache pas ce qu’elle pense vraiment des vrais Noirs : « Ils sont horribles, arrogants et plein de préjugés. »

Nous y voilà : il fallait, en plus, que Barack Obama soit beau. Un critère devenu terriblement décisif en politique et qui étonne de moins en moins, tant les explications abondent pour justifier la toute-puissante dictature du glamour partout : évidente supériorité communicative de la forme sur le fond, du visuel sur l’écrit, de l’apparence sur la réalité, de l’image sur le sens.

Il fallait même que Barack Obama soit intelligent. Après huit années d’un Bush triomphalement intronisé crétin universel, c’était le minimum. Pour oublier d’un seul coup les caricatures souvent injustes, toujours méprisantes, de cette Amérique profonde qu’on ne veut voir d’Europe que profondément inculte.

Il fallait, dans la foulée, que Barack Obama soit un peu bigot, dans un monde où pratiquement seule l’Europe blanche se déclare laïque, voire mécréante. Et puis, il y a ce deuxième prénom, prononcé uniquement par ses adversaires, ce « Hussein », parfait en petite touche discrète pour que même les musulmans, même la rue arabe, mêmes les Palestiniens, ne se sentent, une fois n’est pas coutume, pas complètement largués.

Il fallait enfin que Barack Obama ait exactement l’âge qu’il a. Fasse partie de cette génération molle née au début des années soixante. Trop tard pour avoir participé au triomphe des trente glorieuses et se retrouver vite le ventre repu et l’esprit vide. Trop tard aussi pour fomenter les émeutes de 68, et croire à un autre monde.

Une génération entrée dans la vie professionnelle en pleines années fric, au moment de l’effondrement des dernières utopies. Fin de l’URSS, conversion de la sociale démocratie au marché pur et dur, début de la course sans remord aux milliards. Mais une génération arrivant aux manettes, entrevoyant le pouvoir suprême, après le 11 septembre, c’est-à-dire dans un monde désormais éclaté, multiple, beaucoup moins simple, ni noir, ni blanc, sur fond de catastrophe écologique.

Cela tombe bien : cette génération-là, Obama en tête, ne connaît ni la révolte de posture, ni le dogmatisme étouffant, ni le cynisme des vainqueurs.

Bref il fallait que Barack Obama soit parfait. Cela explique sa popularité planétaire proche de la ferveur messianique, mais ne dit pas quel président il pourrait être. Ceux qui voudront gâcher la fête pourront facilement rappeler que la plupart des grands présidents américains étaient, au départ, bourrés de tares multiples.

Roosevelt ? Un malade chronique. Nixon ? Un cynique à gueule de psychopathe. Reagan ? Un imbécile fier de l’être. Clinton ? Un vicelard inconsistant. Tous allaient se révéler, pourtant, taillés pour le job.

Voilà peut-être bien le seul doute que peut encore susciter Obama : être doté d’un talon d’Achille inédit, qui consisterait à n’en point avoir.




BÔ KAY NOU


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