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Le marché commun de la Communauté du bassin des Caraïbes

La Communauté du bassin des Caraïbes (CARICOM) est actuellement composée de 15 membres : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, Belize, la Dominique, la Grenade, la Guyane, Haïti, la Jamaïque, Montserrat, Saint Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, Trinité-et-Tobago et le Surinam.

Elle est régie par le Traité de Chaguaramas et son Annexe sur le Marché commun, le Marché commun des Caraïbes n’étant qu’une des composantes du CARI COM.
Ainsi, les Bahamas sont membres de la Communauté sans pour autant faire partie du Marché commun. Tous les membres ont comme langue commune l’anglais et partagent des traditions historiques et institutionnelles communes, à l’exception du Surinam (qui s’est incorporé au CARICOM en février 1995 et dont la langue et les institutions sont d’origine néerlandaise) et d’Haïti (dont la langue et les institutions sont d’origine française et créole).

Le CARICOM compte aussi plusieurs pays observateurs et membres associés. Sa population représente 1,3%, son territoire 2% et son PIB 1,2% du total de l’Amérique latine et des Caraïbes. Une des caractéristiques de ce regroupement est qu’il est parmi les plus grands en termes de membership mais aussi parmi les plus petits en termes économiques et géographiques. Et, contrairement à bien d’autres projets d’intégration, le CARICOM jouit d’une longue tradition de coopération en matière de politiques étrangères, de santé, d’éducation et des questions touchant le développement.

Les économies des pays membres sont peut-être petites mais néanmoins, elles présentent de grandes différences quant à leur taille, leur population et leur degré de développement. Par exemple, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago représentent 60% de la population et 50% du PIB du CARICOM, tandis que la Guyane et le Suriname comprennent 80% du territoire de la Communauté. Ces deux derniers pays sont, avec le Belize, les seuls pays continentaux du CARICOM, les autres associés étant des îles. La Barbade, la Guyane, la Jamaïque, Trinité-et-Tobago et le Surinam sont considérés formellement par le traité de Chaguaramas comme des " pays plus développés ". Le reste des membres, sauf les Bahamas, sont catégorisés " moins développés ". Cette distinction a été rendue nécessaire dans la mesure où l’un des objectifs la Communauté est de partager de façon équitable les bénéfices de l’intégration en prenant en compte des nécessités spécifiques des pays moins développés.

Par ailleurs, tous les pays moins développés, à l’exception du Belize, sont membres de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale : OECO (Organization of the East Caribbean States : OECS), une organisation qui a pour objectif de promouvoir la coopération, la solidarité et l’unité entre les membres afin de permettre un développement semblable à celui des pays plus développés de la Caraïbe. Les pays de l’OECO ont une monnaie commune administrée par une banque centrale commune, la Eastern Caribbean Central Bank. À l’instar des autres projets d’intégration de la région, le CARICOM a connu une période de stagnation durant les années 80 pour connaître ensuite une période de revitalisation durant les années 90. En témoigne le commerce intra-régional, qui est passé de 8% environ des exportations totales au début des années 1990 à plus de 15% en 1998.  

Antécédents historiques

  La mer des Caraïbes couvre une vaste zone géographique. Elle sert de lien à plusieurs petits États insulaires qui ont en commun des conditions du milieu physique semblables -climat, ressources, production- mais qui diffèrent énormément de par leurs expériences historiques. Les anciennes allégeances coloniales ont aussi laissé leur marque sur la langue, la culture et l’économie de chacun des États de cette région. Ajoutons à ceci la rareté des ressources naturelles, l’étroitesse des marchés internes et le manque chronique de capitaux et de technologie, ainsi que le faible niveau de développement.

L’expérience de la coopération acquise au sein du Commonwealth et le rôle joué par la Grande-Bretagne allaient avoir pour résultat, en 1958, le regroupement au sein d’une fédération, la Fédération des Indes Occidentales (West Indies Federation), qui réunit les petits États insulaires anglophones. Bien que de courte durée (quatre ans), cette Fédération allait déboucher sur la signature d’abord, en juillet 1965 du Traité de Dickenson Bay créant l’Association de libre-échange des Caraïbes, mieux connue sous son appellation anglaise de Caribbean Free Trade Association (CARIFTA) ; puis, en 1968 du Traité de Antigua (signé à St Johns, Antigua) qui incluait Anguilla, la Dominique, la Grenade, la Jamaïque, St-Kitts-et-Nevis, Ste Lucie, Montserrat, St Vincent et les Grenadines et Trinité-et-Tobago au CARIFTA.

Le but premier de cette association était de créer une zone de libre-échange. Elle reconnaît cependant les inégalités de développement entre les pays membres, accordant certains traitements préférentiels aux pays les moins favorisés. CARIFTA a été plus radicale que les autres schémas d’intégration qui verront le jour par la suite dans les Amériques puisque tous les tarifs furent abolis dès l’entrée en vigueur du traité, exception faite cependant de quelques produits considérés comme sensibles. Au fil des années, s’ajouta à cet objectif commercial celui de la coordination des politiques dans les domaines du transport, du financement, du développement industriel et régional, ainsi que de la collecte de données statistiques.  

Le marché commun des Caraïbes

  L’extension des objectifs amena les pays membres à réorganiser l’Association (CARIFTA), pour finalement lui substituer le Marché Commun des Caraïbes ou, en anglais, Caribbean Common Market (CARICOM).

Le CARIFTA devint en effet très rapidement désuet lorsque la Barbade, la Guyane, la Jamaïque, et Trinité-et-Tobago signèrent, le 4 juillet 1973, le Traité de Chaguaramas devant créer la Communauté des Caraïbes. Le nouveau traité, signé à Port of spain, à la Trinité, le 4 juillet 1973, devint effectif le 1er août 1973. En 1989, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) comptait au total 5,5 millions d’habitants. Le revenu total s’élevait à 9,7 milliards de dollars américains, les exportations totales à 3,34 milliards, et les recettes du tourisme à 2,9 milliards. Les objectifs de la Communauté des Caraïbes étaient très ambitieux. Le Traité de Chaguaramas devait définir un plan d’action autour de trois axes :

- renforcer la coordination et la réglementation des relations économiques et commerciales entre les membres ; et ce, dans la perspective d’un développement équilibré

- renforcer l’intégration économique des pays de la région

- établir des mécanismes de coopération communs pour les relations avec les pays tiers.

Bien que le marché commun soit une partie intégrante du projet d’intégration du CARICOM, il a une identité juridique séparée. Il fut donc possible pour les Bahamas de devenir membre de la Communauté en 1983, sans pour autant adhérer au marché commun.

Le Traité de Chaguaramas distingue deux groupes de pays : les pays dits "développés", soit la Barbade, la Guyane, la Jamaïque, et Trinité-et-Tobago ; et les autres pays considérés comme moins développés.

Une corporation d’investissement fut aussi créée et un tarif extérieur commun devait être adopté. Au chapitre de la coordination des politiques, il était prévu de coordonner les efforts dans les domaines de l’éducation, de la santé, du transport et, dans une moindre mesure, de la recherche.

En 1981, les îles de la Caraïbe orientale décidèrent de créer l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO), la nouvelle organisation venant remplacer la West Indies States Association (WISA). Cette organisation coordonne les stratégies de développement des États membres et fournit un cadre permettant une coopération dans les domaines économique, de politique étrangère et de défense. Elle a été créée en vue d’améliorer le sort des îles plus pauvres, des études ayant démontré que le processus d’intégration profitait surtout aux grandes îles (particulièrement à la Jamaïque et à Trinité-et-Tobago) au détriment des plus petites.

Le bilan de la Communauté économique des Caraïbes est très mitigé. Avec la libéralisation des échanges, le commerce intra régional devait progresser dans un premier temps, passant de 7,3 % des exportations totales en 1970 à 13,1 % en 1983 ; au cours des années subséquentes, celui-ci devait cependant diminuer considérablement, au point de ne plus représenter, en 1992, que 6 % des exportations totales, un pourcentage inférieur à ce qu’il était il y a un peu plus de vingt ans. Il faut par ailleurs noter que le tarif extérieur commun n’a jamais vu le jour et que, confronté aux difficultés financières, le mécanisme multilatéral de compensation a du suspendre ses opérations en 1983.

En dépit de ce bilan, en février 1986 le gouvernement canadien annonce la création du CARIBCAN (Caribbean-Canada Trade Agreement), un programme de commerce, d’investissement et de coopération industrielle destiné aux pays du Commonwealth caribéen. Cet accord, en vigueur depuis juin 1986, consiste en l’extension unilatérale des préférences douanières (preferential duty-free) d’accès au marché canadien pour la presque totalité des importations en provenance de ce groupe de pays.  

L’ASSOCIATION des États de la Caraïbe

  Il est indéniable que les obstacles à l’intégration sont nombreux dans la région : le degré de développement des pays est relativement peu avancé, les moyens de communication entre les pays sont peu développés, leurs économies sont très tributaires de l’agriculture et du tourisme, plusieurs facteurs externes échappent à leur contrôle, notamment les prix des produits de base, etc.

Par ailleurs, même si à plusieurs reprises, en 1988 et en 1991 notamment, les pays de la Communauté des Caraïbes ont eu l’occasion de réaffirmer leur attachement à leur organisation, les objectifs nationaux ont eu tendance à prendre le pas sur les objectifs régionaux. Enfin, il convient de noter que le programme présenté unilatéralement en mai 1982 par le président des États-Unis, Ronald Reagan, l’Initiative du bassin des Caraïbes (Caribbean Basin Initiative (CBI), programme qui devait être entériné l’année suivante par le Congrès (Caribbean Basin Economic Recovery Act), est venu modifier considérablement les données du problème.

Le programme s’adressait en effet à l’ensemble des pays dont les côtes bordent la mer des Caraïbes (24 pays en tout), soit non seulement les pays de la Communauté des Caraïbes, mais aussi les quatre pays du Marché commun centraméricain ainsi que sept autres pays qui ne faisaient jusque là partie d’aucune entente économique, notamment le Panama et la République dominicaine. En étaient exclus, bien entendu, Cuba et le Nicaragua, mais aussi d’autres pays comme Porto Rico et la Colombie. La pierre angulaire de ce programme, c’est l’exemption des droits de douane pour tous les produits entrant aux États-Unis en provenance des pays de la région. Bien que ce programme eut certaines retombées économiques pour les pays concernés, il en a résulté trois choses : une pénétration accrue, et ce de manière notable, des marchandises et des investissements américains dans la région ; un étouffement des projets d’intégration, tant dans les Caraïbes qu’en Amérique centrale ; et la mise en place d’un modèle d’intégration des pays de la région aux États-Unis qui devait être repris et élargi par la suite, en juin 1990, avec l’Initiative pour les Amériques.

Plus récemment, le 24 juillet 1994, les vingt cinq pays du Bassin des Caraïbes, y compris Cuba et le Mexique, ont signé à Carthagène (Colombie), un Traité créant l’Association des États de la Caraïbe (Association of Caribbean States (ACS) regroupant 25 pays du bassin des Caraïbes.

Parmi les objectifs visés par la nouvelle Association, notons la mise en place de structures intergouvernementales de concertation, de consultation et de coopération dont le mandat sera de promouvoir la création d’un espace économique large pour le commerce et les investissements, et de favoriser la collaboration entre les pays concernés sur les plans culturel, scientifique, politique et technologique. L’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, l’Équateur, l’Égypte, l’Inde, l’Italie, les Pays Bas (en regard d’Aruba), le Maroc, le Pérou, la Russie, le République de Corée et l’Espagne agissent au sein de l’Association à titre d’observateurs10. Et, Aruba, la France (en regard de la Guyane française, la Guadeloupe et la Martinique) et les Antilles néerlandaises y occupent le statut de membres associés. C’est aussi lors de cette rencontre du 24 juillet que fut signé le traité de libre-échange entre le CARICOM et la Colombie. Ce traité est entré en vigueur pour un premier groupe de biens le premier janvier 1995. Il s’appliquera à un second groupe de biens à partir de 1999. Il en appelle à l’établissement graduel de la réciprocité entre la Colombie et les pays "plus développés" du CARICOM (Barbade, Guyane, Jamaïque et Trinité-et-Tobago). Une révision du traité négociée en 1998, commet ces pays à l’élimination graduelle des tarifs douaniers sur les produits mentionnés dans le traité.  

Les années 1990

  Les années 90 ont été fructueuses en événements. En plus de la signature du traité de libre-échange entre le CARICOM et la Colombie, les membres de la Communauté ratifièrent un accord préférentiel de libre-échange avec le Venezuela le 13 octobre 1992 et avec la République dominicaine le 22 août 1998. Ce dernier accord, qui entrera en pleine fonction en 2005, a pour objectif la libéralisation progressive des échanges et l’amélioration de la coopération dans les domaines agraire, minier, de l’industrie, de la construction, des transports, des télécommunications, de la finance, de l’assurance, du marché des capitaux, des services professionnels et de la science et technologie.

Cet accord se démarque des deux autres signés avec le Venezuela et la Colombie. Il se fonde sur le modèle de l’ALENA tout en différant sur un point : la République dominicaine et les pays les "plus développés" du CARICOM y sont dans l’obligation d’éliminer leurs tarifs tandis que les pays "moins développés" ne le sont pas. Un accord spécial de coopération a également été conclu avec l’ASC le 13 novembre 1997. On cherche par cette entente à renforcer les relations entre les deux entités et à améliorer l’échange d’information : "countries should cooperate no matter their historical background. We are all a part of the same community of nations " dira à l’occasion le Dr Simon Molina Duarte secrétaire général de l’ASC. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette rencontre qu’on accorda au CARICOM le statut d’observateur au sein de l’ASC. Enfin, un mois après la conclusion de l’accord de libre-échange avec la République dominicaine, un accord de coopération a été ratifié avec l’Argentine.

Outre la signature de ces accords, des mesures ont été prises afin de faire avancer le projet de consolidation du marché commun du CARICOM (CARICOM Single Market and Economy (CSME)).

Une redéfinition des organes et des institutions du CARICOM a été entreprise depuis 1997, modifiant le traité constitutif du CARICOM, le Traité de Chaguaramas. Sept protocole ont été adoptés.

Par ailleurs, la première réunion ministérielle marquant le début de négociations pour la définition d’un nouvel accord post-Lomé entre l’Union européenne (UE) et les pays du Groupe ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) a eu lieu à Bruxelles le 30 septembre 1998. Ont participé à cette rencontre, les pays du CARIFORUM incluant Haïti et la République dominicaine11, les membres caribéens de l’ACP.

Depuis 1975, les relations entre l’Europe et les membres du CARIFORUM sont définies par les quatre conventions successives de Lomé, lesquelles ont légitimé le statut préférentiel accordé traditionnellement au Groupe ACP par l’UE dans sa politique de développement. Il s’agit de la plus vaste - et, pour certains, de la plus "complète et ambitieuse" - entente de coopération entre un groupe de pays industrialisés (les 15 pays de l’UE) et un groupe de pays en voie développement (les 71 pays du Groupe ACP auxquels devrait se joindre incessamment Cuba).

La Convention repose sur "un système de préférences tarifaires facilitant l’accès au marché européen et des fonds de stabilisation des prix dans les secteurs agricole et minier". Selon l’entente, l’Union européenne ne peut donner à aucun autre regroupement un statut préférentiel plus avantageux que celui octroyé au Groupe ACP. Elle doit prendre fin en février 2000 et être redéfinie en mars 2000. Malgré un bilan controversé, la Convention de Lomé demeure pour certains, tels que le Premier ministre de la Barbade, "the most meaningful model of North-South relations ever conceived by man" et l’un des derniers remparts pour les pays les plus pauvres contre la mondialisation.

Or, tel que le souligne Anne-Marie Mouradian dans un article du Monde diplomatique, l’après- Lomé "devra tenir compte du nouvel ordre économique mondial imposé par l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1993 et la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui implique la fin des politiques commerciales préférentielles qui formaient jusqu’à présent le socle des accords euro-ACP".

Durant la rencontre de septembre 1998, l’UE, prise entre son obligation de respecter les réglementations de l’OMC et son engagement face au Groupe ACP, défendit la position selon laquelle le salut pour les pays ACP passait par l’adaptation aux lois du marché et par l’intégration à l’économie mondiale. Elle entendait également miser désormais davantage, dans ses relations avec les pays ACP sur l’éradication de la pauvreté, la promotion de la démocratisation et la sensibilisation aux questions environnementales. De son côté, le Groupe ACP, longtemps réfractaire à l’éventualité de la disparition des avantages acquis, demanda qu’un sursis lui soit accordé afin de permettre sa réorganisation.

Ces discussions avaient lieu en pleine dispute des bananes. Au début de l’année 1998, l’OMC avait statué que le régime d’importation de bananes était discriminatoire et avait condamné l’UE qui privilégiait les producteurs de bananes ACP. Ce fut une victoire pour les États-Unis qui avaient déposé une plainte avec quatre autres pays latino-américains auprès de l’OMC contre l’UE au nom de leurs grandes firmes multinationales de bananes. Au terme de cette réunion, la Commission de Bruxelles proposa l’institution d’un statu quo d’une durée de cinq ans.

Selon le commissaire européen chargé des relations avec les pays ACP, M. Joao de Deus Pinheiro, " Le futur accord, en vigueur de 2000 à 2005, garderait pour l’essentiel les particularités de la convention actuelle, avec certaines améliorations ". Une histoire à suivre de près lors des délibérations qui auront lieu en mars 2000.

Cette querelle entre les États-Unis et l’UE sur la question des bananes ébranla grandement les pays du CARICOM, ces derniers dépendant dans une large mesure de leur relation privilégiée avec l’UE (surtout pour ce qui est de l’aide au développement).

Face à l’intransigeance américaine dans ce dossier (les États-Unis ont décidé récemment d’appliquer des sanctions de façon unilatérale contre le système d’importation de bananes de l’UE, n’étant pas satisfaits des conditions d’application du jugement de l’OMC), et vu le dénouement du conflit en défaveur des pays de l’ACP, les pays du CARICOM menacèrent en 1999 de saborder l’Accord Bridgetown, un accord de partenariat pour la prospérité et la sécurité dans les Caraïbes (Partnership for Prosperity and Security in the Caribbean) signé par le CARICOM et les États-Unis en mai 1997.

Dans cet accord, les États-Unis s’étaient engagés à "work with all concerned parties to achieve mutually satisfactory marketing arrangements for Caribbean bananas, recognising the critical importance to Caribbean countries of the continued access of Caribbean bananas to the traditional markets of the European Union".

Ils ont aussi reconnu l’inextricable lien existant entre le commerce, le développement économique, la sécurité et la prospérité dans cette région. Plusieurs autres sujets de litige ont surgi entre le CARICOM et Washington, Cuba et le projet de loi sur la parité ALENA-IBC (NAFTA-CBI parity) occupant le premier rang de ces sujets de dissension.

Depuis 1993, date de la création de la Commission conjointe CARICOM-Cuba, plusieurs tentatives de rapprochement avec Cuba ont été entamées. De nombreuses rencontres, portant entre autres sur la participation de Cuba aux négociations entourant la ZLÉA, son intégration au marché caribéen ou encore sur la loi Helms-Burton, a ponctué les relations entre Cuba et le CARICOM.

Notons aussi la participation de Cuba au premier Sommet du CARIFORUM tenu du 20-22 août 1998 à Santo Domingo (République dominicaine).

Fidel Castro y était l’invité spécial. En plus d’accorder une place à Cuba dans les délibérations sur un éventuel accord post-Lomé, les pays du CARICOM profitèrent de l’occasion pour appuyer l’accès de ce pays au statut d’observateur à l’ACP et exprimèrent leur souhait de le voir intégrer l’Association comme membre dans un avenir proche. Autre rencontre importante : le symposium sur le commerce et l’investissement CARICOM-Cuba qui se tint en Guyane le 20-21 novembre 1998.

Ce symposium succédait à la cinquième réunion de la Commission conjointe CARICOM-Cuba de Georgetown (Guyane), réunion qui permit de faire le point sur les progrès obtenus depuis la quatrième réunion tenue à la Havane en décembre 1997 et de souligner l’ouverture prochaine à la Havane du Bureau du commerce et de l’investissement du CARIFORUM (CARIFORUM Trade and Investment Facilitation Office) prévu pour le début de l’année 1999. Les délégués présents étudièrent par ailleurs une ébauche de traité préférentiel de libre-échange entre le CARICOM et Cuba. Ce rapprochement avec Cuba ne va pas sans poser de sérieux problèmes dans les relations avec les États-Unis. Ainsi une loi fut-elle introduite au Congrès en 1997 en vue d’empêcher le CARICOM et le Marché commun centraméricain (MCCA) de permettre à Cuba de joindre leur organisation.

La Loi Ros-Lehtinen prévoit la suspension de toute aide non humanitaire et le retrait des bénéfices de

l’Initiative du bassin des Caraïbe aux contrevenants. Les deux organisations ont vivement dénoncé cette loi, la jugeant comme violant leur souveraineté. En outre, comme l’ont souligné plusieurs critiques dans le cas de la Loi Helms-Burton, une telle législation contrevient aux normes internationales et pourrait nuire davantage aux relations E.-U./bassin des Caraïbes. "Given the adverse implications of NAFTA and the ongoing EU/US banana dispute, there is an urgent need to strengthen US/Caribbean trade ties at this time" diront à ce sujet des ambassadeurs américains, en poste dans différents pays caribéens, dans une lettre envoyée à la député Ileana Ros-Lehtinen, l’instigatrice de la loi. "We urge that you become involved in the efforts to ensure swift passage of NAFTA parity législation" ajouteront-ils.

Cette dernière remarque nous amène à un deuxième point de litige entre le CARICOM et les États-Unis : le projet de loi sur la parité ALENA-IBC (NAFTA-CBI parity). En juin 1997, le gouvernement Clinton proposa d’accorder la parité ALENA à l’Initiative du bassin des Caraïbes et soumit à cet effet une nouvelle législation au Congrès américain. Cette dernière envisagerait l’application du United-States-Caribbean Basin Trade Enhancement Act (CSTEA)

La proposition du gouvernement Clinton prévoyait accorder le statut de parité ALENA (NAFTA parity status) "to virtually all imports from a CBI participating country through September 30, 2005, or when a CBI country forms a free trade relationship with the United States, whichever comes first. Duty-free status would be on the same terms as granted to imports from Mexico for that period".

Malgré les pressions de l’administration Clinton, la proposition n’a pas été entérinée par le Congrès et elle fait toujours actuellement l’objet de débats.

Cuba n’est pas le seul pays avec lequel la Communauté a tenté de se rapprocher. Le CARICOM a fait des tentatives de rapprochement avec le Canada, l’Afrique du Sud, le Japon, l’Espagne, le Chili pour ne nommer que ces pays. En ce qui a trait aux relations avec le Canada, la neuvième réunion du Comité conjoint CARICOM-Canada sur le commerce et l’économie (CARCIOM/Canada Joint Trade and Economic Committee (JTEC)) s’est tenue à Georgetown (Guyane) le 19 février 1998.

Cette réunion eut lieu avec comme arrière plan le Sommet des Amériques à venir et la récente expansion du CARIBCAN (le méthanol et les huiles lubrifiantes ayant été ajoutés à la liste des produits). À l’agenda des discussions, notons la participation du CARICOM à la ZLÉA, les programmes de l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI), les réformes institutionnelles en cours au sein du CARICOM et les questions de politique et de sécurité concernant l’Hémisphère.

Une mission du CARICOM menée par la Grenade est partie pour l’Afrique du Sud durant l’année 1998.

Novembre 1999 fut marquée par la septième Consultation CARICOM-Japon. On y discuta de coopération économique et technique et d’échanges culturels. Ce dialogue Japon-CARICOM existerait depuis 1993. Port-of-Spain (Trinité-et-Tobago) a été le théâtre d’une rencontre avec l’Espagne en octobre 1999. Étaient présents les délégués du CARICOM, du SELA et de l’Agence espagnole de coopération internationale (AECI).

Les discussions de cette rencontre portèrent sur le thème suivant : "Spain and the Caribbean : Towards A New Dynamism". Enfin, le Chili et le CARICOM ont réaffirmé leur volonté de renforcer les liens politiques, économiques, commerciaux et culturels lors d’une réunion le 17 avril 1998 qui a précédé de peu le Sommet des Amériques à Santiago au Chili.
 

Petite lexique :

CARIFORUM : il est intégré par les États caribéens bénéficiaires de la convention de Lomé IV, i.e. les membres du CARICOM, Haïti et la République dominicaine (ces deux derniers pays sont membres depuis 1989). Convention de Lomé : établie en 1975 à Lomé et modifiée à quatre reprises par la suite, elle permet aux nations caribéennes signataires (le CARIFORUM) la libre entrée dans l’ensemble des pays de l’Union européenne de la majorité de leurs produits. Ils bénéficient également de l’aide financière de l’Europe pour leurs projets de développement.

CARIBCAN (Caribbean-Canada Trade Agreement) accord préférentiel entre le Canada et Anguilla, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, les Bermudes, le Belize, les Îles Vierges, le Costa Rica, la Dominique, la République dominicaine, le Salvador, la Grenade, le Guatemala, la Guyane, Haïti, le Honduras, la Jamaïque, Montserrat, les Antilles néerlandaises, le Nicaragua, le Panama, St-Kitts-et-Nevis, Ste-Lucie, St-Vincent-et-les Grenadines, Trinité-et-Tobago et Turks-et-Caicos. Il est entré en vigueur en juin 1986. Il vise à faciliter les échanges commerciaux, l’assistance au développement et la coopération industrielle entre le Canada et les pays du Commonwealth caribéen.

 

 




BÔ KAY NOU


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