« Trente-cinq secondes ont suffit pour tout chambarder », répète Pierre Chéry, un survivant du séisme du 12 janvier 2010. D’après lui, jamais des secondes n’ont été aussi longues. Le tremblement de terre a rendu la vie des gens difficile, presque invivable. Personne n’est en mesure d’oublier cette date noire, qui a définitivement marqué l’histoire du peuple haïtien, poursuit le rescapé.
12 janvier 2010 : une expérience répugnante
Les victimes de ladite catastrophe ne cessent d’exprimer leur dégoût. Raphaëla vit à morne Hercule, une banlieue de Pétionville. Elle dit qu’elle n’oubliera jamais les effets de ce tremblement de terre, d’autant qu’elle en porte encore les cicatrices. Tirée des décombres, elle se rappelle aujourd’hui encore les durs moments vécus : « J’ai été tirée des décombres trois jours après. À un certain moment, j’ai perdu tout espoir de survie. C’était un moment douloureux. Je considère ma vie aujourd’hui comme un cadeau divin. »
Dithna, une résidente du même quartier, amputée d’un membre, essaie, les larmes aux yeux, de reconstituer l’événement : « J’étais assise sur la galerie quand j’ai entendu un bruit assourdissant. Dès lors, la maison a commencé à se secouer avec moi. Avant même d’avoir eu le temps de me sauver, la maison s’est affaissée. » Après deux jours sous les décombres, Dithna dit n’avoir eu la vie sauve que grâce aux manœuvres de certains riverains : « Mes voisins, pour me sauver, s’étaient vus obligés de me couper une jambe coincée sous des morceaux de béton. » Hormis le handicap physique, le tremblement de terre l’a laissée avec des troubles post-traumatiques, nous confie-t-elle. Elle ressent parfois des secousses imaginaires. Cette jeune femme a repris goût à la vie, grâce au support des ONG accourues au secours des Haïtiens au lendemain de cet événement malheureux.
Marie Marthe, 67 ans, vit dans une cahute au bord du ravin séparant les quartiers populeux de morne Hercule et Nérette. Elle se souvient de son fils, péri dans le tremblement de terre. Pour elle, cet événement est sans pareil. « C’est un événement sans précédent. L’expérience est douloureuse, et on ne saurait souhaiter la revivre. » Elle avoue a avoir tout perdu lors du séisme, et elle éprouve aujourd’hui toutes les difficultés du monde à affronter la vie au quotidien. « Je suis totalement dépendante des autres », ajoute-t-elle d’un ton désespéré.
Quand 12 janvier 2010 déshumanise
Bon nombre de rescapés du tremblement de terre ne cessent de se plaindre de leur situation deux ans après. « 12 janvier nous a déshumanisés », déclare Bernadette, mère de six enfants. Elle vit avec eux dans un camp de fortune au Champ de Mars, non loin du Palais national. La situation dans laquelle vivent les sinistrés se révèle aujourd’hui lamentable et critique. Car habiter sous des toiles pendant deux ans ne convient pas aux humains. Et les victimes en sont conscientes : « À la période pluvieuse, la démangeaison nous ronge. Et au moment où le soleil darde ses rayons il est impossible de vivre sous les bâches », poursuit cette mère de famille, qui a hâte de quitter ce camp de fortune.
Par ailleurs, Marise, une jeune mère de deux enfants, abonde dans le même sens que sa voisine. « Nous ne vivons pas », confesse-t-elle, au souvenir des dégâts du cataclysme. Notamment, la mort de son mari dans le séisme. Pour subsister, elle se voit obligée de vendre du charbon et quelques produits alimentaires. Elle se dit prête à laisser le camp, une fois trouvés les moyens nécessaires, car à son avis, la façon dont elle vit aujourd’hui est infrahumaine. Elle avoue qu’elle menait avec son mari une vie plutôt digne avant le tremblement de terre. Dans un clin d’œil, sa vie a complètement basculé.
Leur souhait : être pris en charge
La majorité des personnes interviewées est hébergée dans des camps de fortune. Avant le passage du tremblement de terre, la plupart s’adonnait à une activité commerciale qui leur permettait de gagner tant bien que mal leur vie. Mais le séisme les a dépouillées de tout moyen de survie. À leur avis, cette tragédie constitue un véritable coup dur pour le pays, compte tenu de l’ampleur des dégâts qu’elle a causés.
Elles souhaiteraient donc que les autorités étatiques prennent leur situation en charge à tous les points de vue. En mettant des structures accessibles aux personnes handicapées d’une part, en créant des opportunités d’emploi afin de faciliter leur réinsertion dans la vie économique du pays, d’autre part.
Aux dires de ces gens, la prise en charge et la création d’emplois constituent des conditions sine qua non pour la relance de leur vie. Ils croient toutefois que les cicatrices du tremblement de terre resteront comme des traces indélébiles.
Noclès Débréus et Aris Reynold