On le comprend : il est plus facile d’arrêter les étudiants, de les garder en prison, de les diaboliser, de les faire vivre quelques semaines dans la promiscuité avec les violeurs, kidnappeurs, faussaires et assassins, dans un Pénitencier surpeuplé. On a parfois l’impression, tant l’acharnement contre les étudiants est manifeste et systématique que quelqu’un, du lieu du pouvoir, les a élus comme ennemis ou comme proie. Si l’on ne fait pas partie du lot de bien assis et de petits-bourgeois qui détestent l’idée que des gens manifestent dans la rue, qu’il s’agisse d’ouvriers réclamant plus d’argent pour leur temps de travail ou de jeunes citoyens exprimant leurs inquiétudes et leur colère, on peut se demander ce que les étudiants emprisonnés doivent ressentir, ce qu’ils peuvent penser de cette société, de cet Etat qui offre la misère à leurs parents, et à eux, en plus d’une université mal foutue, la prison. Non que les formes prises par les discours revendicatifs soient toujours intelligentes et démocratiques, mais elles sont comme l’histoire les a produites.
Au fait, pour plaire à l’Etat et à certains secteurs de la société, les étudiants devraient faire comme une entreprise haïtienne qui prétendait que ses produits étaient made in Hispagnola. Ou comme les politiques qui vantent les bons traitements que l’Etat dominicain offre aux travailleurs haïtiens. Ou encore comme les vacanciers qui trouvent que la République dominicaine est le paradis sur terre. Ou encore, être dociles, bons élèves, employés modèles, avec des cv auxquels on ne peut reprocher une once de conscience sociale, et passer sagement des concours pour travailler pour la MINUSTAH, pendant dix ans pour répondre au souhait amical du charmant voisin Fernandez. Et, pourquoi pas, une vie entière…
J’ai fait part de ce projet d’article à un ami en lui disant que je donnerai mon vote au candidat à la présidence qui présentera un calendrier de départ pour la MINUSTAH et une proposition de programme de cohabitation de l’île dans la dignité avec la république voisine. Mon ami m’a répondu que si telle est mon attente de la part des candidats, je pourrais bien ne pas voter. Mais je reste optimiste et refuse de le croire.