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Hors du soleil, la débauche identitaire ; près du tunnel, l’épopée du poème

par Saint-John Kauss

(Ce texte a fait l’objet, en partie, d’une conférence prononcée à la Société Littéraire de Laval : Ma Bibliothèque Idéale, le 25 octobre 1991.)

J’ai toujours confondu poésie et modestie libre dans la relation monumentale entre l’être émergé de l’absurde et l’être détenu par la vie. Je parle ici de la vie en tant que réalité possible et commune. Car cette possibilité peut se changer en impossibilité, voire scandale, dans la multiplication des gestes et paroles que l’on condamne déjà. Quand le langage devient mutation verbale et distorsion de chaque âme familière par les divagations urbaines, le poète se nomme alors l’épaté sans conditions. C’est dans un silence quasi religieux que je conçois celui-là (le poète), et c’est dans l’épaisseur du " choc des idées " que j’imagine le poème en marche recevant l’écho des femmes et de la mer, des villes et des citernes. Le poème, pour ma part, s’identifie à l’enfant naissant, à la relation mère-fils, et à la vivification des mots, des lignes et des voyelles. Ainsi le poème devient vie, homme ou femme, être vivant, tributaire de la parole, et le poète, actionnaire direct dans la richesse des événements.

Il est aussi bien d’être moderne que d’être humain, d’être communicable que d’être unique. Dans ce tissu d’êtres en sons et en marche qu’est la métropole des poètes haïtiens, " dans cette dialectique de la Fulgurance et de l’Être, dans ce passage par l’errance, je vois bien (1) que le poème s’instaure à travers la qualité des figures, dans la mesure même où elles s’écartent de la structure de la langue et de la prose normatives. J’accepte sans difficulté que le tissu du poème soit une parole anti-parole, et surtout une parole anti-prose. Toutefois, bien entendu, le poème n’est pas réductible au dénombrement, à la statistique des écarts de langage par la multiplication des figures. L’organisme du poème laisse peu de prise à la statistique."

Sur ce, j’accueille des œuvres telles La nuit de Jean F. Brierre, Poète à Cuba de René Depestre, Ce qui demeure de Paul Laraque, Mon pays que voici d’ Anthony Phelps, La Chanson de Roland de Roland Morisseau, Ces îles qui marchent de René Philoctète, Textes interdits de Serge Legagneur, Chevaux de l’avant-jour de Frankétienne, Idem de Davertige, qui se révèlent dans un créneau unique : l’originaire, et remontent les flots en colère du fleuve insulaire dans une musique muette non solitaire à l’intention du poème. Les faisceaux internes de celui-ci se communiquent donc en force dynamique qui reconstitue la loi de l’extension verbale de la poésie. La condition poétique fait toutefois face à l’élément inerte, c’est-à-dire le poétique, et stipule que le travail du poète n’est point l’élection ou la sélection de critiques à la solde, mais d’ouvrir les fenêtres et de franchir les barrières.

Plusieurs poètes québécois tels que Bruno Roy, auteur de Fragments de ville (Montréal : éd. Arcade, 1984) dont spécialement le poème liminaire du livre intitulé Rumeurs Urbaines m’avait beaucoup frappé, parlent, si l’on ose dire, d’urbanisation poétique. Il en est de même pour Gérard Augustin, poète de Toulon, dont les Lettres Italiennes (2) traduit un caractère épistolaire, mais engagé dans l’instance du poème. Kenneth White, depuis la France, parle, depuis belle lurette, de migration, de nomadisme intellectuel et de mémoire métisse. L’influence poétique de l’écrivain Paul-Marie Lapointe sur de jeunes immigrants est également capitale. Ceci conduit donc à une fuite du passeport identitaire, à un non lieu historique... un refus global de la terre natale.

Hors du soleil, la débauche bat-elle son plein ? Près du tunnel, que les jeunes poètes se rappellent bien de l’étincelle originelle : mon pays HAÏTI.

Bibliographie et Références

1 Ce " je " est de Fernand Ouellette (voir Poésie, éd. de l’Hexagone, 1972, p. 264, dans Le Poème et le Poétique). Je m’associe à ce jeu pronominal.

2 Dans G. Augustin : Indes Méditerranéennes, éd. Flammarion, 1984, p. 71.




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