Mise à jour le 26 septembre
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Boucle de considération populaire : le droit notarial passe pour une voie juridique secondaire

« Certaines personnes ne respectent pas les écrits. Il n’en demeure pas moins qu’un document écrit est une arme qui permet à la partie adverse d’avoir gain de cause. »

La notaire, Marie-Rhode Bois en entretien

Par Marie Flore Domond

En présence de Me Marie-Rhode Bois, notaire, l’expression : « faire un dessin. » prend aisément son sens, car son principal mode de communication, ou plutôt de transmission face à l’interlocuteur, passe par des schémas et des exemples. Étant originaire des Gonaïves, Me Bois n’a pas trahi le légendaire caractéristique reconnu des citoyens de cette région de l’Artibonite (Haïti). Son optimisme patriotique régnait dans la salle de conférence où l’entrevue s’est déroulée dans la langue d’emprunt, le français, et la langue de souche, le créole.

C’est facile d’identifier l’un des points forts de qualités professionnelles de Me Bois. La conseillère juridique par surcroît se fait un point d’honneur de bien encadrer les clients tout le long du processus de leurs transactions et engagements. Un contrat dit-elle, est un document qui engendre des conséquences importantes. Le client est en droit d’être bien éclairé. De son propre chef, la praticienne du droit notarial reconnaît que c’est un travail particulièrement exigeant, surtout qu’elle doit sans cesse répondre aux appels d’une clientèle réticente aux conseils d’ordre général qui pourraient être prodigués par son bras droit, la secrétaire. Après tout, cette personne ressource n’est-elle pas formée pour être le pilier d’une entreprise !

Q. Qu’est-ce qu’un acte notarié ?

R. Un acte notarié est un document écrit, qui est rédigé et conservé par un notaire. Ce dernier étant un praticien du droit et un officier public, il a donc le privilège de conférer un caractère d’authenticité à un acte.

Q. Est-ce qu’un acte notarié, un document juridique authentifié comme vous le précisez, peut être contesté ? Et quelles sont les circonstances ?

R. Absolument ! N’importe quel acte notarié peut être contesté. Par exemple, dans le cas d’un testament, quelqu’un pourrait contester à l’effet que le testateur était inapte ou sous l’effet de médicaments quand il avait signé.

Ou encore, on peut contester un acte en faux, c’est-à-dire, que l’identité de la personne qui est venue signer était fausse. Dans ce cas précis, compte tenu de l’obligation du notaire de vérifier l’identité de toute personne à l’acte, c’est un motif qui va être difficile à prouver – il faut cependant que le notaire ait la preuve de l’identité des personnes dans son dossier évidemment.

Q. Pourquoi selon vous certaines communautés résistent à l’idée de rédiger un testament même si elles sont avisées des risques de complication que cela peut entraîner après un décès ?

R. En ce qui concerne particulièrement les immigrants, c’est une question de culture ! Le testament est un document souvent relié à la mort. Il m’arrive d’aborder le sujet avec des clients qui s’offusquent carrément en répliquant : « Pourquoi me parlez-vous de testament ? Je ne vais pas mourir bientôt… » C’est donc dire que nous, notre communauté n’est pas exclue de cette notion de culture. Par contre, certains prennent conscience de la nécessité de la procédure à partir des cas vécus. C’est un vrai casse-tête surtout pour les couples qui ont des jeunes enfants ou qui vivent en union de fait par ce que – dès qu’il s’agit d’un couple avec ou sans enfants, marié ou non, il y a problème. Depuis un certain temps, la Chambre des notaires a fait un formidable travail de sensibilisation auprès du public. Quant à moi, je ne cesse de dire à qui veut l’entendre que rédiger un testament, ce n’est pas se préparer à mourir tranquille, mais de vivre en paix.

D’ailleurs, ce sera mon cheval de bataille. Je compte faire une petite rubrique durant quelques semaines sur ce sujet-là, et peut-être en donner des conférences.

Q. Y a-t-il une période particulière de la vie d’un citoyen qui requiert la planification de son testament ?

R. A n’importe quel moment de sa vie, dès qu’on est majeur et apte. Plus particulièrement, dès qu’on commence à acquérir des biens, il y a toujours l’urgence de prendre des dispositions de rédiger un testament. A titre d’exemple, un couple qui vit en union de fait, si l’un décède, l’autre ne pourra rien hériter. Les biens du de cujus seront dévolus selon le Code civil du Québec. S’il y a des enfants en cause, les enfants seront les seuls héritiers – et là où ça se complique, c’est s’il y a de jeunes enfants (mineurs) en cause. Dans ce cas, le Curateur public s’y mêle.

Le problème n’est pas seulement pour les couples non mariés. Prenons un couple marié, si un des conjoints décède sans testament, et qu’aucun enfant n’est issu de leur union, les biens du défunt sont dévolus pour 2/3 au conjoint survivant et 1/3 à ses ascendants privilégiés, donc les père et mère. S’il y a un ou des enfants, le conjoint survivant héritera du 1/3 et 2/3 iront aux enfants.

Et si c’est un enfant qui décède en laissant des biens sans testament, la mère et le père qui sont des ascendants, détiendront 50% et ses frères et sœurs qui sont considérés comme des collatéraux auront 50%, (Frères et sœurs, incluant « les enfants issus d’un union libre » ou utérins.)

Q. Il existe plusieurs sortes de testaments. Pouvez-vous les énumérer ? Quel est le plus efficace, et pourquoi ?

R. En réalité, il existe trois sortes de testaments. Le testament olographe est un document qu’on écrit de ses propres mains et qu’on signe. En inscrivant par exemple sur un morceau de papier la phrase suivante : « Je lègue l’universalité de mes biens à un tel », et qu’on le signe évidemment, cela constitue un testament du genre olographe. Le seul avantage est que le document ne coûte rien du vivant de son signataire. Toutefois, la procédure de vérification après le décès est assez dispendieuse et peut coûter entre $500 et 800 dollars sans oublier le délai de la procédure. De plus, il y a le risque de le perdre. Sans oublier qu’un héritier lésé peut le faire disparaître également. Même si le Code civil n’exige pas que ce testament soit daté, je conseille aux gens qui veulent quand même en faire un, de le dater.

Le second, est le testament devant témoins. Ces derniers doivent être au nombre de deux (2). À noter, que le testament fait devant un avocat fait partie de cette catégorie. L’avocat étant considéré comme un témoin, il en faudra un deuxième. Celui-là aussi devra être vérifié par la cour, et entraîne des coûts.

Le troisième et le plus sûr est le testament notarié qui comporte la particularité de l’authenticité. La préparation de ce document entraîne normalement des coûts. Un testament simple peut coûter entre 200 et 250$, et peut-être plus, tout dépend du notaire. Par contre, on a LA PAIX D’ESPRIT. Au décès, pas besoin de vérification.

Q. Le notaire joue plusieurs rôles dans sa fonction de praticien. Quels sont-ils ?

Un notaire a pour rôle de rédiger les actes, leur donner le caractère d’authenticité et de les conserver. Il a pour mission de vérifier l’identité des parties à l’acte, et de s’assurer de la date de l’acte. Le notaire a un devoir de conseil et il se doit d’être neutre. Le notaire peut aussi jouer le rôle de médiateur.

Q. Lorsque le notaire exerce des fonctions supplémentaires, il y a-t-il des titres qui lui sont attribués dépendamment de sa tâche ?

R. le notaire instrumentant est celui qui rédige, donne des copies d’un acte et conserve l’original, qu’on appelle « minute » dans son greffe. Le notaire cessionnaire ou dépositaire est celui qui a la garde ou qui achète le greffe d’autre notaire lorsqu’il quitte la profession. Et le notaire mandataire est celui qui donne des copies pour un notaire absent. Il est à noter, qu’un notaire peut avoir la garde d’un greffe, quand un autre collègue est suspendu.

Q. Du haut de cette profession de rigueur existe-t-il de l’espace pour des irrégularités de la part des praticiens ?

R. Comme dans toutes les professions, il y a ceux qui se respectent et d’autres qui le sont moins. Une chose est sûre, la Chambre des notaires est là pour protéger le droit des citoyens en cas d’écart de conduite d’un membre. Tout citoyen lésé peut y avoir recours en autant qu’il se plie à la procédure de la plainte qui doit se faire par écrit.

Q. L’exécuteur testamentaire doit-il être absolument un membre de la famille ?

R. Pas du tout ! Ce peut être un ami, son comptable, son pasteur ou le banquier de la famille, quelqu’un en qui on a confiance. Toute personne majeure et apte peut jouer le rôle de liquidateur de la succession, ce qu’on appelait autrefois : exécuteur testamentaire. C’est en fait celui qui exécute à la lettre les dernières volontés inscrites au testament d’un requérant.

Q. Il arrive qu’une personne change son testament au cours de la vie. Comment procède-t-on ?

R. Un testament doit être ajusté selon les besoins de son détenteur. D’ailleurs, il est conseillé de réviser son testament à chaque cinq (5) ans. La modification d’un testament peut se faire en changeant une clause. On parle alors de « codicille ». C’est comme un mini testament mais qui doit accompagner le premier, tout seul il n’est pas valide. On peut y aller jusqu’à deux (2) clauses. Dès qu’il devient nécessaire de changer plus de deux (2) clauses, il faut en faire un autre, qui normalement annulera le premier.

Q. On sait que le notaire a un champ exclusif du domaine juridique qui lui est interdit : le contentieux ou les dossiers conflictuels. Lorsqu’il y a litige dans un cas de succession de biens, quel rôle joue alors cet officier public ?

R. Le notaire étant un conseiller juridique, il peut jouer un rôle proactif. Il peut proposer des solutions possibles, des terrains d’entente. L’important, c’est que le notaire garde confidentiel ce que l’une et l’autre partie lui disent. L’intervention du notaire peut éviter un procès long et coûteux. Des fois, le conflit relève plus d’ordre personnel entre les parties, dans ce cas précis, le notaire peut empêcher que ceux qui ne s’entendent pas se rencontrent, en leur donnant des rendez-vous à des heures différentes. S’il n’y a aucun espoir d’entente, le notaire n’a pas plus le choix de référer ses clients à leurs avocats. Quand ils auront réglé leurs différends, le notaire pourra continuer le règlement de la succession.

Q. A la limite, est-ce qu’un notaire peut rédiger une mise en demeure qui est en fait une étape préventive avant le début d’une procédure juridique ?

R. Bien sûr, en ce temps-là, on joue le rôle de Procureur. Personnellement, lorsqu’un client me consulte à cet effet, je le dirige sans hésitation vers un confrère avocat. Dès qu’un dossier frôle le contentieux, je préfère généralement l’esquiver.

Q. Au cinéma, on voit souvent que c’est l’avocat de la famille qui s’occupe de la lecture du testament en guise du notaire. Étant donné qu’aux Etats-Unis le droit notarial n’est pas reconnu, est-ce l’avocat qui remplit la fonction de l’authenticité d’un acte ?

R. Le Québec est la seule province canadienne à compter des notaires. Le contraste est frappant lorsqu’on traverse à Ottawa où le droit notarial n’est pas exercé. Conformément aux règles de preuve, l’acte notarié est authentique et la copie l’est aussi, contrairement à des actes rédigés par des avocats qui sont des actes semi-authentiques. Donc, je ne peux pas trop me prononcer, mais les américains ont leur propre système concernant l’authenticité d’un document. Et de plus, les règles du règlement de la succession diffèrent d’un État à l’autre.

Q. Est-ce qu’au Québec la profession du droit notarial est lucrative ?

R. Le notaire jouit le privilège d’une profession qui JADIS était considérée comme noble. Compte tenu de toute la responsabilité que nous endossons en tant que praticiens, ce n’est pas si lucratif que ça. L’avocat perçoit son honoraire à l’heure, alors que la plupart des notaires dont j’en fais partie, réclament des prix forfaitaires pour certains contrats tel que la vente d’immeuble. Vous n’avez sans doute pas une idée comment les clients font du magasinage avant une transaction ! Le règlement des successions par contre, étant un domaine tellement exigeant...les notaires sont obligés d’avoir des taux horaires, puisqu’on ne sait jamais à quoi s’attendre. Dans ce contexte, je l’exclus personnellement de tout marchandage.

Q. Beaucoup de citoyens se marient et divorcent sans jamais connaître la signification juridique du mariage. Est-ce vrai qu’aux yeux de la loi, le mariage est une association économique suite à la réforme ?

R. Lors du mariage, les époux s’engagent à des obligations en assumant moralement et matériellement leurs acquis. Dans la mesure où le patrimoine familial est une zone protégée, puisque tous les couples mariés ou unis civilement et ce, quel que soit le régime matrimonial choisi, y sont régis, on peut dire que c’est une association économique. La résidence familiale, entre autres, est l’un des biens spécifiques touchés par le caractère économique dont vous faites mention.

Q. Il existe plusieurs régimes matrimoniaux. Quels sont-ils ?

R. Il y a d’abord le régime de la Société d’acquêts. C’est le régime légal au Québec, il ne requiert aucun contrat. Les biens formant le patrimoine du couple sont divisés en biens propres et biens acquêts. À la fin du mariage, chacun conserve ses biens propres et les biens acquêts sont partagés entre les deux (2) époux.

Le deuxième, est le régime de la séparation de biens. Pour ce, avant le mariage ou l’union civile, il faut conclure un contrat de mariage ou d’union civile. Chaque époux acquiert ses biens durant le mariage, les gère et les garde advenant le divorce, (exception faite des biens qui composent le patrimoine familial).

Le troisième, est l’ancien régime de la communauté légale de biens. Les conjoints mariés avant le 1er juillet 1970, sans contrat, sont régis par ce régime.

PAR CONTRE, le PATRIMOINE FAMILIAL s’applique à tout couple domicilié au Québec, quel que soit leur régime et quel que soit le lieu du mariage.

Q. Pensez-vous que si tous les citoyens rédigeaient un contrat de mariage ou un contrat de vie commune il y aurait moins de conflit en cas de séparation ?

R. Hélas ! Il faut considérer avant tout que certaines personnes ne respectent pas les écrits. Il n’en demeure pas moins qu’un document écrit est une arme qui permet à la partie adverse d’avoir gain de cause. Il est toutefois souhaitable que les couples qui vivent en union libre rédigent une convention de vie ou d’indivision, quitte à bien définir tous les points importants qui lient leur engagement : Qui fait quoi ? Et bien établir qu’est-ce qui arrive en cas de séparation. Qui prend quoi ? Qui paie quoi ? Si la plupart des gens obéissent à leur coutume, ils ne doivent pas oublier qu’il y a des principes auxquels les membres d’une société ne peuvent se déroger.

Q. Me Bois quelle est votre principale observation face à la tendance de la société en général ?

R. Les jeunes familles ainsi que les familles reconstituées, veulent de plus en plus se protéger, que ce soit par la rédaction de leurs testaments ou par une convention d’indivision. C’est déjà un pas dans la bonne direction. Il n’y a pas de chance à prendre non plus à ce niveau.

-  Je vous remercie, Me Bois.

 - Au plaisir, madame Domond




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