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04/12/2004
Canada / Culture : Quand le créole et le français font bon ménage au cinéma

L’IRRÉSISTIBLE BICHALOMANIE DU 7ième ART. On peut certainement parler d’une adoption instantanée depuis la projection du film I LOVE YOU ANNE du réalisateur Richard Senecal.

Les amateurs du cinéma haïtien ne sont pas prêts d’oublier ou d’être lassés de cette comédie de mœurs classée dans la catégorie de film pour tous. Les spectateurs Québécois succombent en grand nombre à la tentation de voir et revoir un des acteurs les plus efficaces du long métrage. Il reste à savoir comment cette réalisation a été accueillie de son port initial. Les simples amateurs semblent se transformer tout à coup en cinévores. Tonton Bicha est absolument charmant, entraînant. Tels sont les commentaires élogieux imprimés sur les lèvres de tout un chacun. Un rôle sur mesure pour un interprète qui a su dompter, apprivoiser son personnage et qui est devenu la coqueluche de l’heure. D’un air moqueur, petits et grands ressassent à longueur de journée les sympathiques répliques pigées ça et là dans le film. La plupart des gens imitent même la voix de l’acteur. Une panoplie d’expressions et de thèmes retiennent donc l’attention : Livrezon adomisil (livraison à domicile), konplikx ou komplix (complice), demeplè (équivalent de désagréable), chadegè (char de guerre). Et détrompez-vous, ce n’est pas un blindé ni un tank qui est un instrument de guerre mais sa bicyclette. Cependant, le qualificatif clé et magique du film reste Malfrendeng (va-nu- pieds, vagabond, homme sans mot d’honneur). A défaut de sous-produits dérivés qui accompagnent habituellement les films internationaux au méga budget, en l’occurrence Le Seigneur des anneaux ou Harry Porter ; pour sa part, I love you Anne, même avec un budget restreint, provoque tout un engouement linguistique de par son jargon coutumier. Dans le vidéo-clip musical qui a précédé le film J LOVE YOU ANNE, on l’avait déjà découvert comme étant un personnage allégorique, d’âge mûr, intransigeant à l’égard de sa progéniture, pourchassant un prétendant qu’il considère comme un antagoniste. Ses impénitentes remontrances constituent un rideau de fer entre sa protégée et l’intimé (Don Kato) qui, lui, personnifie le chanteur inspiré par l’interdit. A considérer les démagogies de ce père acariâtre, il s’en est servi pour contrarier les plans sentimentaux de sa fille. Grâce à la renaissance du rythme troubadour depuis ces dernières années, Tonton Bicha a occupé le rôle vedette dans la chanson kat kampe de l’accolade musicale du groupe Troubadour d’Haïti. Mais, c’est à la sortie du film qu’il est unanimement applaudi. Ses performances spectaculaires lui ont valu progressivement d’être connu et reconnu. Présentement, il est au sommet de la faveur populaire avec, bien sûr, la coopération étroite de l’actrice, Nice Simon (Anne), une femme séduisante. Sans oublier les performances d’un Don Kato convaincant et celles de Jude Dutreuil (Djo Zenny) littéralement embrasé d’un sentiment malveillant, très peu fraternel. Pourtant, le personnage Tonton Bicha a plus de faiblesses qu’un être humain devrait posséder. Mais, il est adorable et attachant. Expéditif, espiègle, entêté, tapageur et surprotecteur presqu’à la limite de l’absurde. Par contre, il est loin d’être stupide ; croyant que rien ne peut lui échapper du haut de sa méfiance à force d’être éprouvé par sa fille qui tourne le dos à l’adolescence dans le tumulte de l’âge adulte. Heureusement qu’il jouit de l’amitié d’un voisin exemplaire, Pè Demeran (de son vrai nom Fresnel Larosilière), qui parvient à le tempérer surtout dans des situations complexes et compliquées. Toutefois, les quelques erreurs de jugement commises par excès de zèle de son autorité parentale ne sauraient ravir son mérite d’homme de principe qui tient à sauvegarder les valeurs traditionnelles. Le maintien de l’innocence et de l’honneur prime avant toute chose, selon lui. Est-ce parce qu’il est un mésadapté aux tendances de la modernité ? Dans le même ordre d’idée, on peut remarquer que le titre du film est en anglais, et que les personnages s’expriment en français et en créole. Cette barre d’outil du scénario n’est sans doute pas l’effet d’un geste machinal. Il confirme la trajectoire triomphante de la langue créole dans la société haïtienne en général et le pouvoir effréné de la culture américaine sur l’île dans son ensemble. Comme le disait si bien Dany Laferrière dans sa correspondance avec Monique Proulx, in DIALOGUE D’ILE EN ÎLE, de Montréal à Haïti, (Les Éditions du CIDIHCA, Montréal, 1996) : « Ce qui m’intéresse au cinéma, c’est surtout le fait qu’on regarde le film et qu’on ne le lit pas ; la culture de masse. » Ce qui revient à dire que le regard d’observation se rapproche des choses ou des gens ordinaires, alors que l’écriture et la lecture tendent vers la noblesse. Pour le moment, trêve de réflexion, voyons la réponse de son interlocuteur : « Le cinéma fait prendre conscience de la précarité de l’intégrité humaine et replace le créateur dans sa fonction de maillon accessoire. » En tout cas, cette réalité populaire qu’est le film ou le cinéma a sans nul doute la propriété de divertir au-delà des frontières. Elle interpelle les plus vieux et pique la curiosité des jeunes. Que la source d’inspiration des créateurs de toutes les disciplines anonymes dans la foule ne tarisse point et sache remuer, en temps et lieu, les interdits et les cœurs en détresse. Ainsi soit-il !

Marie Flore DOMOND




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